La "Pulperia Ezequiel"
Melide possède de nombreux monuments se référant au "Camino" et notamment la magnifique église romane "Santa-Maria-de-Melide" mais, le monument-phare du "Camino moderne" est (était ?) sans conteste la "Pulperia Ezequiel". Si vous avez l'insigne honneur de me lire, c'est que vous n'appartenez pas à la catégorie des "ramollis du bulbe". Vous aurez donc compris que dans le mot "Pulperia" il doit y avoir une histoire de "poulpe". Bravo, je n'en attendais pas moins de vous et je vous sens armés pour poursuivre avec profit et jusqu'à son terme le récit de ma pérégrination. Bon, on arrête le délire et on raconte !
Une "Pulperia" est donc un établissement où l'on ne sert que du "poulpe". Cela semble être une spécificité galicienne mais je ne le jurerais pas, merci de me contredire éventuellement.
En août 1993, lors de mon premier passage à Melide, j'aperçois avec un certain effarement cet établissement.
Description :
Une sorte de hangar couvert de tôles ondulées (ancien atelier ou garage) au sol de terre battue, équipé de longues tables en bois grossier et de bancs. Une vaste bâche tendue depuis la façade déborde sur la chaussée et protège du soleil un énorme chaudron chauffé au bois où bouillonnent des poulpes que "touillent" consciencieusement deux ou trois personnages à la mine "pas tibulaire mais presque" (dixit Coluche), armés de solides bâtons.
Je suis seul, plus que nul en espagnol, l'intérieur du hangar est sombre et donne une allure inquiétante aux nombreux clients attablés. Je passe donc mon chemin.
En mai 1995, accompagné des deux Jacques, je pénètre dans l'établissement. Le décor est le même, mais nous sommes en mai et le chaudron est à l'intérieur, posé sur une estrade, avec la patronne qui officie, une énorme paire de ciseaux à la main. Telle une sorcière, elle extrait du récipient fumant, au fur et à mesure des commandes, les poulpes qu'elle découpe en petits morceaux et assaisonne d'huile et de piment sur un plateau de bois. Un délice, servi avec un pichet de "Ribeiro" (vin blanc Galicien jeune et légèrement pétillant). Jacques de Thionville, peu enclin à manger ce genre de bestioles, négocie (difficilement) un sandwich. Avec Jacques Carronnet, c'est trois plateaux à deux et du vin en quantité raisonnable car nous ne sommes pas arrivés !
Juillet 1999. Horreur et stupéfaction ! A l'emplacement de la "Pulperia" s'élève maintenant un immeuble. La "Pulperia" existe toujours au rez-de-chaussée mais, plus de chaudron et d'estrade, toujours des tables et des bancs, mais en beau bois bien épais et bien cirés et une clientèle de touristes. C'est devenu trop "clean" pour les locaux qui justement faisait tout le charme du lieu. Derrière une paroi vitrée officie une petite "mémé" toute triste. Je la reconnais bien, c'est ce qui reste de notre "gorgone" joyeuse, forte en gueule et triomphante sur son estrade. Près de la sortie, au mur, une photo de l'établissement tel qu'il était ... avant.
J'ai trouvé le "Pulpo" moins bon et je n'en ai pas repris. Le vin, ça allait !